Déguster

Le thé, par la palette des couleurs, des textures, des goûts qu’il ouvre, offre de multiples découvertes… voici quelques lignes directrices à l’usage du néophyte ou de l’amateur éclairé afin de l’initier aux plaisirs du thé, et lui donner quelques éléments pour structurer ses expériences et ainsi mieux les mémoriser.

 

Choisir le thé

•   Où et comment ?

Dans un bon magasin de thé, un comptoir de thé, vendeuses et vendeurs sont là pour vous guider dans vos choix. On doit vous faire voir et humer le thé : les feuilles doivent être régulières, homogènes, souples avec une odeur marquée plus ou moins puissante suivant les thés. Certains thés étant fragiles, la période de récolte doit être mentionnée ou précisée, ainsi que le temps d’infusion, la température de l’eau et le moment le plus approprié pour le consommer.

Pour les débutants, les thés parfumés ne sont pas à négliger car ils sont une bonne porte d’entrée dans l’univers du thé. Un thé parfumé sur une base de thé noir et un sur une base de thé vert sont un choix judicieux pour aborder deux grandes familles de thé très différentes. Concernant les thés « natures » sans parfums rajoutés, les thés bleu vert ou wu long sont très intéressants pour débuter car leurs arômes sont puissants, variés et ils sont généralement doux et veloutés.

Pour les amateurs éclairés, explorez les facettes des différentes couleurs de thé en privilégiant bien sûr les thés « nature » ou pures origines. Vous pouvez commencer par les thés bleu-vert, noirs et blancs, puis vous poursuivrez avec les thés verts de Chine puis du Japon, et enfin le vaste monde des thés sombres dits pu er. Il faudra alors que vous consacriez un petit budget pour découvrir de beaux crus de 10 à plus de 100 euros les 100g suivant les origines, la qualité, le millésime, sachant qu’avec 100g de thé vus pouvez faire au moins 50 tasses….

Vous pouvez trouver des thés de qualité en supermarché, le choix reste tout de même restreint sauf dans les supermarchés avec un rayon épicerie fine développé. Les thés en sachet papier contiennent de la brisure de thé, leur goût sera donc toujours moins fin et complexe qu’un thé en vrac en feuilles entières.

Quant aux prix, ramenés à 100g de thé par exemple, ils sont peu différents de ceux des thés moyenne gamme d’un comptoir spécialisé.

Parmi les thés en vrac on trouve surtout des références « classiques » : mélanges anglais, Ceylan, Darjeeling, Earl Grey et goûts russes. L’offre ensachée est plus diversifiée, sachant que la majorité est aromatisée. Il est important de lire les ingrédients pour vérifier le contenu de ce que vous achetez.

En revanche, vous trouverez une belle gamme en « équitable » et en « bio », ce qui est encore rare dans les comptoirs de thé.

•   Au fil de la journée

Pour le matin, un thé tonique ou réhydratant

Pour certains (2/3 des Français !), le thé doit être foncé en tasse avec des arômes puissants pour réveiller les papilles, c’est le cas des thés noirs de Chine, du Kenya ou d’Inde, pour d’autres, le thé doit être désaltérant, clair en tasse, un thé vert sera alors idéal.

Pour le midi, un thé gastronomique ou un thé digestif

C’est le moment idéal pour jouer sur les accords thés et mets (cf. la partie accorder le thé). Vous pouvez aussi clore le repas avec un thé pour ses vertus digestives.

Pour l’après-midi, un thé gourmand ou réchauffant

C’est l'instant de prédilection pour tous les thés aromatisés avec des notes douces, fruitées, vanillées ou fleuries. Comme pour le midi, vous pouvez jouer sur les accords thés et mets.

Pour le soir, un thé relaxant ou digestif

C’est l'occasion de privilégier des thés faibles en théine au goût léger tels que les thés bleu-vert, dits wu long, certains thés blancs aux vertus apaisantes, ou bien un thé au jasmin ou un pu er tous deux réputés pour leurs propriétés digestives.

•   Selon la couleur du thé

Ce que l'on appelle le thé au sens strict est une espèce botanique bien déterminée : le Camellia sinensis. Les jeunes pousses de l’année sont récoltées plusieurs fois par an puis transformées dans une manufacture qui est l’équivalent du chai pour la vinification du vin. Suivant la manière dont on les travaille, 6 couleurs peuvent être fabriquées, la différence réside dans l’oxydation plus ou moins poussée de la feuille.

Qu’est-ce que l’oxydation ? C’est un processus naturel du vieillissement des végétaux que l’on peut admirer à l’automne. Les feuilles, lorsqu’elles sont privées d’eau, au contact de l’air, se dessèchent, changent de couleur en virant progressivement du vert au marron, mais changent aussi de goût ! Dans les couleurs de thé, tout est une histoire d’oxydation plus ou moins importante minutieusement orchestrée et contrôlée par le planteur dans la manufacture. Ainsi le thé vert n’est pas oxydé et garde sa couleur d’origine, alors que le thé noir (dit rouge en Chine) est totalement oxydé et prend une teinte marron. Cette oxydation permet de révéler des arômes très différents suivant son intensité.

Voici les 6 couleurs :

  • le thé blanc naturellement oxydé, léger et clair en tasse, il est très désaltérant ; Principaux pays producteurs : la Chine, l’Inde du Nord, le Népal et le Sri Lanka
  • le thé vert, non oxydé, clair en tasse avec des notes végétales, est aussi désaltérant mais plus « nourrissant » que le thé blanc ; Principaux pays producteurs : la Chine, le Japon, Le Vietnam, la Corée, l’Inde, le Népal, le Sri Lanka
  • le thé jaune, non oxydé légèrement fermenté, est proche d’un thé vert avec un peu plus de corps ; Principal pays producteur : la Chine
  • le thé noir (dit rouge en Chine), totalement oxydé, est plus foncé en tasse allant du ambré clair au cuivré foncé avec des notes boisée et plus corsée ; c’est le plus connu et le plus consommé dans le monde ; Principaux pays producteurs : la Chine, l’Inde, le Sri Lanka, le Kenya, l’Indonésie, la Turquie, le Vietnam, l’Argentine, l’Iran, le Bangladesh, le Malawi, l’Ouganda, le Rwanda …
  • le thé bleu-vert, ou wu long, semi oxydé, revêt de nombreuses facettes de couleur et de goût car, suivant la manière dont il a été travaillé, il pourra se rapprocher d’un thé vert ou plutôt d’un thé noir avec toujours beaucoup de rondeur ; il peut être torréfié plus ou moins pour exacerber ses arômes ou pour pouvoir le conserver plusieurs années. Principaux pays producteurs : la Chine continentale Taiwan, l’Inde, le Népal
  • le thé sombre (dit noir en Chine), post fermenté, dont le plus connu est le pu er, est un des rares thés que l’on peut affiner en cave pendant plusieurs années comme le vin ou une meule de fromage ; suivant qu’il est cuit ou cru, il présente des notes aromatiques très variables allant des notes sous bois ou animales à des notes orientales telles que le patchouli ou le santal. Principal pays producteur : la Chine
  • Et la théine...
    Quant à la théine, elle est présente dans toutes les couleurs. C’est la richesse en bourgeons qui détermine la charge en théine et non sa couleur : plus le thé est riche en bourgeons, plus il est théiné.
    Pour déthéiner naturellement votre thé, versez un fond d’eau frémissante dessus, laissez infuser 20 secondes et jetez cette première eau. Vous aurez ainsi éliminé 60% de la théine. La sensibilité à la théine dépend de chacun, les recommandations de thé du soir dépendent donc de chacun.

 

Préparer le thé

Selon un rituel : se référer à Voir et Voyager pour leurs présentations et « Teabox : rituels et musiques du monde autour du thé » pour les protocoles de préparation dans 10 pays différents): il existe de nombreux rituels dans la préparation du thé. Ils sont chargés d’histoire, culturellement passionnants et nécessitent l’usage d’une vaisselle et d’accessoires particuliers.

Selon une préparation « classique » à l’occidentale : On peut préparer le thé à chaud ou à froid.

•   La qualité de l’eau

Quelque soit la température de préparation, la qualité de l’eau est plus de 50% de la réussite de votre thé. Il faut la faire chauffer dans un récipient qui lui est exclusivement consacré et utiliser une eau de source légèrement acide (Rosée de la Reine), ou une eau minérale naturelle légèrement acide (Mont Roucous).

•   Préparer un thé à chaud

La température de l’eau : il faut retenir que plus les thés sont oxydés, plus ils nécessitent une eau chaude (90°C) pour bien infuser, ce qui est le cas des thés bleu-vert, noirs et sombres, moins ils sont oxydés, plus ils sont fragiles et demandent une eau tempérée (inférieure ou égale à 80°C). On trouve maintenant des bouilloires à thermostat telles qu’Aquagrad ou Riviera & Bar (thermostats de 30°C à 95°C) ; le cas échéant, il vous suffit de mettre un quart d’eau à température ambiante dans la théière puis de rallonger avec l’eau de la bouilloire à 100°C pour ne pas brûler le thé.

Le dosage du thé : 2 gpour 10 cl soit une cuillère à café rase pour les thés « classiques » (Ceylan, Assam, Mélanges anglais, etc.), ou une grosse pincée à prendre avec les 3 doigts (pousse, index et majeur) pour les thés volumineux. Il n’est pas nécessaire de rajouter une dose pour la théière ;

Le filtre à thé : le thé en infusant se réhydrate et va au moins tripler de volume. Le filtre à thé doit avoir un volume suffisant pour laisser s’épanouir le thé, ses mailles doivent être assez fines pour filtrer les feuilles fines et les poussières de thé. Paniers en inox ou en textile sont faciles à adapter sur les théières, les filtres à thé en papier non traités. A éviter : les filtres en terre cuite ou en porcelaine à gros trous et les filtres en forme de boule sauf d’au moins 5 cm de diamètre…

Le temps d’infusion : variable entre 1 min et plus de 10 min suivant le thé ; avoir un minuteur qui sonne vous permet d’avoir l’optimum d’expression de votre thé, car un thé oublié = un thé très amer et astringent. C’est une étape cruciale dans la préparation du thé.

La théière: on la choisit soit en matériau poreux, c’est le cas de la terre cuite, soit en matériau lisse. Si elle est en terre, il faut la consacrer à un seul type de thé (un seul type de thé, ou une seule couleur de thé ?) car les parois poreuses s’imprègnent du goût du thé. Son avantage est qu’elle restitue et amplifie les arômes du thé au fur et à mesure des infusions ; la terre est idéale pour des thés aux arômes puissants (thés bleu-vert fortement oxydés, thé noirs ou thés rouges à part les Darjeeling). Concernant les matériaux lisses, les plus utilisés sont la porcelaine et la fonte, le verre est préféré pour la beauté de sa transparence…c’est aussi le matériau le moins conducteur qui permet donc de conserver le thé chaud le plus longtemps.

Pour les thés nécessitant une préparation avec de l’eau très chaude à 90°C, il est préférable de chauffer la théière au préalable avant de faire infuser le thé.

•   Préparer un thé à froid

Une préparation à froid (au lieu de : à chaud puis refroidie) permet de conserver intacts les arômes du thé sans développer d’amertume et d’avoir un thé qui ne se trouble.

Les thés délicieux à consommer froids sont bien sûr tous les thés aromatisés ou les thés aux fleurs. On peut aussi préparer des thés d’origine tels que des thés verts japonais, des thés noirs chinois, sri-lankais ou d’Assam et des wu long.

Le dosage du thé : 1 grosse cuillère à soupe bombée dans un litre d’eau en vrac directement dans le contenant.

Le contenant : une grande théière, une grande casserole ou encore une carafe sans odeurs parasites.

La température de l’eau liée au temps d’infusion : elle peut varier de 19°C à plus de 30°C. Plus la température est élevée, notamment en été, plus le thé infuse vite ; il faut compter entre 20 et 45 minutes suivant la couleur de thé (moins longtemps pour les thés verts que pour les thés blancs, bleu-vert ou noirs) pour une température ambiante de 25°C.

Puis passer le thé et le réserver au réfrigérateur : ajouter éventuellement des écorces d’agrumes, des épices, du sucre ou du miel. À consommer dans les 24 heures

 

Déguster le thé

Depuis le planteur dans le jardin de thé jusqu’au distributeur, les goûteurs de thé se succèdent tout au long de la chaine pour évaluer les qualités du thé et déterminer son grade et son prix de vente. L’usage veut que cet apprentissage de la dégustation se transmette de manière informelle dans les plantations de thé et chez les négociants. En Chine, il existe des instituts de formation mais uniquement pour les thés chinois. Quelques écoles du thé ont vu le jour depuis quelques années en Europe, qui visent à former à la dégustation et au goût.

Une bonne méthode de dégustation, chez soi, consiste à préparer son thé suivant un protocole précis identique à chaque fois, ce qui permettra de limiter les facteurs exogènes de variation du goût du thé.

C’est pourquoi, les dégustateurs professionnels utilisent le set à déguster. Mais vous pouvez tout autant vous constituer une « routine »/ « rituel » de dégustation du thé en utilisant les mêmes systèmes de notation. C'est dans cet esprit que j'ai créé le "coffret du dégustateur de thé".

•   Le set à déguster

Le set à déguster est l’accessoire de référence chez tous les professionnels quelque soit le pays. C’est un support neutre blanc, en faïence ou en porcelaine, composé d’un bol, et d’une tasse avec un rebord dentelé pour filtrer les feuilles, et son couvercle.

Lorsque l’on procède à une dégustation, généralement comparative, les sets à déguster sont alignés avec pour chaque thé, la présentation de la feuille sèche dans une boîte ou une coupelle et la dose de thé (généralement 2 gr) au fond de la tasse dotée de son couvercle qui servira de contenant à infuser.

Une fois les feuilles de thé infusées, la tasse avec couvercle est renversée sur le bol pour laisser passer la liqueur de thé et retentir les feuilles. Les feuilles mouillées présentées sur le couvercle retourné sont appelées infusion. Le liquide résultant de l’infusion est la liqueur.

•   La dégustation du thé

Plaisir des yeux, du nez et des papilles, la dégustation du thé sollicite la plupart des sens. D’ailleurs je recommande d’être dans une salle silencieuse, bien éclairée, sans pollution olfactive. Recracher la liqueur de thé permettra de saturer moins vite.

Vous prendrez en compte l’apparence de la feuille sèche, l’apparence de l’infusion, la couleur de la liqueur, l’odeur de la liqueur et son goût. Il est important de se travailler soit avec une échelle de couleurs reconnue internationalement, soit de se constituer un nuancier de couleurs, et de goûts qui deviennent ainsi un étalon ou référent.

La vue

L’œil permet de commencer à juger de la qualité d’un thé en observant la couleur de la feuille sèche et mouillée puis la couleur de la liqueur, qui donnent beaucoup de renseignements sur le potentiel du thé avant même de l’avoir goûté.

L’odorat

L’odorat capte les arômes quand on hume, en inspirant les vapeurs de thé, on a ainsi par olfaction le bouquet du thé. Il les capte aussi par voie interne lorsqu’on goûte le thé, c’est la rétro-olfaction ou olfaction rétro-nasale. Les arômes sont alors perçus de manière différente, vous confirmez ou infirmez ce qui a été humé.

Quelques mots pour en parler : notes animales (tannerie, cuir, étable, fauve), sous-bois (humus, mousse, moisi, …), coumarinées (paille, tabac), florales, végétales, lactées, fruitées, etc.

Le goût

Le goût permet de percevoir les saveurs en bouche. Ces saveurs n’ont aucune odeur mais ont un rôle primordial dans la manière dont sont perçus les arômes par rétro-olfaction. On compte 5 saveurs : sucré, salé, acide, amer, umami.

Le toucher

Le toucher participe aussi au jugement de la qualité du thé. On juge la fraicheur de la feuille sèche en la manipulant : elle doit être relativement souple. La sensation du toucher est aussi perceptible en bouche, c’est la texture dut thé.

Quelques mots pour parler de la feuille : soyeuse, duveteuse, poussiéreuse, cassante, etc. Quelques mots pour parler de la liqueur : astringente, tannique, râpeuse, dense, grasse, pleine, ronde, charpentée, veloutée, fluide, etc.

La flaveur

C’est la perception complexe obtenue en combinant les saveurs perçues sur la langue (le goût), et les arômes perçus par les voies olfactives et rétro-nasale (l’odorat), ainsi que les sensations tactiles perçues en bouche. Toutes ces informations sensorielles combinées font la magie de la dégustation.

Accorder le thé

Le thé se déguste comme le vin et présente des variations aromatiques aussi riches et complexes que ce dernier. C’est pourquoi l’accorder aux mets est tout à fait légitime et naturel …

Concernant les accords thés et mets, comme avec le vin, on doit prendre en considération deux facteurs :

  • le bouquet aromatique du thé
  • l’équilibre de chaque thé entre 4 pôles – tannique, amer, acide et doux –, à l’instar du vin qui présente un équilibre entre 3 pôles – tannique, acide et moelleux.

On recherchera la complémentarité dans les textures, l’équilibre des pôles et, bien sûr, le bouquet aromatique. Dans tous les cas, thés et mets doivent se révéler l’un l’autre et ne pas se concurrencer.

Ainsi, un thé plutôt tannique au bouquet aromatique puissant s’accordera avec des mets aux notes grasses et aux arômes marqués comme du gibier, des viandes rouges en sauce ou grillées, alors qu’un thé à l’acidité et à l’amertume marquées ira bien avec des mets très sucrés aux notes aromatiques douces vanillées.

Contrairement à ce qui est d'usage avec le vin, il n’y a pas de d’aliments à proscrire, chaque met peut trouver son thé de prédilection. Ainsi, une vinaigrette ou un fruit cru ne sont plus des obstacles pour s’accorder à une boisson gastronomique telle que le thé.

On peut choisir de proposer un menu accompagné d’un seul thé tout au long du repas ou bien de servir un thé différent sur chaque recette : apéritif, entrée, plat, dessert. On pourrait accompagner certains plats de 2 thés différents suivant les préférences de chacun.

D'un thé à l'autre ou d'un mets à l'autre

Si vous souhaitez varier les plaisirs et utiliser plusieurs thés au cours d’un repas, voici quelques règles à respecter

  1. Il est préférable de servir du moins oxydé au plus oxydé, correspondant généralement à des thés du moins tannique au plus tannique, et de l’aromatique aux notes volatiles de tête à l’aromatique aux notes de cœur ou de fond plus lourdes et persistantes en bouche. On proposera donc d’abord des thés blancs, verts ou jaunes, puis des thés bleu-vert, du moins semi-oxydé au plus semi-oxydé, puis des thés rouges ou noirs.
  2. Déguster les thés de l’année avant les thés millésimés. Parmi les thés millésimés, il vaut mieux consommer les pu’er avant les wu long. En effet, ces derniers développent des notes pyrogénées, caramélisées fortes avec un pôle tannique développé qui risquent d’abîmer le velouté et les notes plus subtiles des vieux pu’er.
  3. Si vous appréciez certains thés avec du sucre, il vaut mieux déguster ceux sans sucre avant ceux sucrés.

 

Comme pour le vin, on peut faire deux types d’accord :

  • l’accord fusion, où mets et thés présentent des notes aromatiques communes. Ce ne sont pas toujours les accords les plus harmonieux. Certains thés verts japonais aux notes marines prononcées n’iront pas forcément avec des poissons crus. Il vaudra mieux accorder ces derniers avec des poissons cuisinés atténuant leur côté iodé ou de la volaille aux notes douces ;
  • l’accord complémentaire, où thés et mets sont sur des registres aromatiques différents et complémentaires. Ainsi, des thés verts japonais acidulés et marins peuvent s’accorder à des desserts lactés vanillés.

Il est intéressant pour certains plats de jouer sur le contraste chaud-froid et de servir du thé froid ou tiède au lieu de chaud.

  • Thés et mets salés
    Parmi les accords classiques… on privilégiera :
    • sur les légumes : les thés verts et jaunes de Chine,
    • sur les poissons et les fruits de mer : les thés verts du Japon et les thés bleu-vert torréfiés,
    • sur les viandes blanches : les thés verts et jaunes de Chine, les thés bleu-vert légèrement oxydés et les thés noirs de Ceylan,
    • sur les viandes rouges : les thés bleu-vert fortement oxydés ou fortement torréfiés de Chine ou de Taïwan, les thés noirs d’Assam, du Kenya ou du Yunnan et les thés sombres pu’er
  • Thés et mets sucrés
    • sur les fruits : les Darjeeling ou le thé Earl Grey sur des agrumes, les thés blancs ou les thés au jasmin sur des fruits d’automne (pomme, poire, figue), les thés sombres pu’er ou les thés noirs sur les fruits en compote ou confits,
    • sur le chocolat : les thés sombres pu’er, les thés noirs de Chine (Qimen ou Yunnan) sur du chocolat noir, les thés bleu-vert fortement semi-oxydés de Taïwan sur du chocolat au lait.

 

Cuisiner le thé

Le thé peut aussi être utilisé comme ingrédient en cuisine. Employé ainsi depuis des siècles en Chine et au Japon, c’est dans les années 80 en France qu’il commence à rentrer dans nos cuisines et de nombreux chefs s’y sont essayés depuis avec la création de recettes savoureuses.

Le thé, au-delà de son bouquet aromatique, se caractérise, quelque soit son cru, par une amertume et une astringence plus ou moins prononcées, tout l’art va donc être de les utiliser sans en abuser.

Suivant le support, il peut être infusé, pulvérisé, saupoudré ou cuisiné tel un légume.

Quelques conseils :

  • à chaud :
    • dans la matière grasse, le thé infuse moins bien, il faudra le sur infuser de quelques minutes et presser légèrement les feuilles une fois passées au tamis pour extirper un peu plus le jus sans trop exagérer sinon amertume et astringence prédomineront ;
    • dans l’eau, il faudra respecter le temps d’infusion conseillé par le marchand de thé ; en revanche, si l’on souhaite l’incorporer à une sauce, il faudra le préparer surdosé, on peut alors concentrer encore plus ses arômes en faisant réduire le liquide à petits bouillons.
  • à froid : on peut le laisser infuser à température ambiante pendant 1 à 2 heures dans l’eau, ou plusieurs jours dans l’huile, il développera alors moins d’astringence et d’amertume tout en conservant une bonne fidélité aromatique.
  • dans la farine, il peut être passé au moulin à poivre et incorporé à la farine ; un thé est particulièrement facile à utiliser dans ce cas, le maccha, thé de la cérémonie japonaise, qui est un thé vert en poudre très fine. On le trouve dans les boutiques de thé ou les épiceries japonaises. Il existe une qualité pour la cuisine bien moins chère que celui de la cérémonie.
  • mangé : certains thés ayant une amertume et une astringence peu prononcées peuvent être mangés et donc incorporés à des bouillons ou sautés pour relever la saveur de certains légumes.

 

Parfumer le thé

•   Thés parfumés

On évoque depuis toujours le parfum du thé, plus que son arôme ou son goût. C’est un des rares produits de bouche que l’Homme a eu l’idée d’associer au monde des fleurs évocatrices de parfum : les Chinois ont très tôt parfumé les feuilles de thé avec des pétales de fleurs pour relever son bouquet aromatique. Jasmin, osmanthus, chrysanthème, rose sont parmi les fleurs les plus célèbres combinées à différentes couleurs de thé. Les agrumes ont aussi la part noble dans le monde du thé parfumé avec des recettes telles que le fameux Earl Grey mis au point par le lord anglais Earl Grey combinant un cru de thé noir de Chine avec de la bergamote, ou la grande famille des Goûts Russes jouant sur les flaveurs de nombreux hespéridés pour les accorder à des thés noirs ou verts. Certains thés se combinent aussi à merveille avec des épices. Les assemblages entre couleurs de thé et plantes diverses et variées sont infinis et l’objet de recherches permanentes à l’instar d’un nez pour le parfum…

•   Parfums au thé

L’entrée du thé dans l’univers du parfum est récente. Elle date des années 1990. Le thé a d’abord séduit par le biais du thé vert, synonyme de pureté, aux notes herbacées, végétales, « fraîches », qui ont remporté un vif succès à cette époque. Puis ce sont les thés parfumés tels que le Earl Grey, le Goût Russe ou le thé au jasmin qui inspirèrent de grandes créations, ainsi que la note thé fumé. Avec une connaissance de plus en plus fine de l’univers olfactif du thé, la quête de nouvelles inspirations chez les parfumeurs se trouve enrichie notamment avec toute la palette odorante des thés d’origine non aromatisés.

Témoignage de Mathilde Laurent, parfumeur

« Le thé me permet de boire les odeurs qui me passionnent et avec lesquelles je crée des parfums. Le thé est effectivement un parfum qui se boit, j’ai ainsi pu faire cette expérience de boire des fleurs ! et des fleurs sublimes plus fraîches que natures telles que la pivoine, le muguet, le lilas, mais j’ai aussi pu boire du bois, du cuir, de la terre. Il n’y a pas de différence entre un thé et un parfum. Ce sont deux liquides odorants. L’un est une harmonie parfaite construite par la nature, l’autre est une quête d’harmonie parfaite recherchée par l’Homme. Mais tous les deux renferment la même diversité, un très large éventail olfactif. Le thé et le parfum sont des liquides odorants, l’un se boit, l’autre parfume, mais, après tout, si le thé est un parfum qui se boit, pourquoi ne se parfumerait-on pas d’une goutte d’infusion de thé ? Pour porter les notes boisées d’un Qimen, les notes de cuirées et fumées d’un Lapsang Souchong ou les très belles notes lilas ou pivoine d’un Bao Zhong. Le thé est une source constante d’inspiration, mais aussi d’émulation, je cherche à égaler la finesse de ces notes aromatiques. Je l’ai beaucoup travaillé comme premier rôle dans mes compositions, non pas à partir d’un ingrédient, puisque l’essence ou l’absolu de feuilles de thé, lorsqu’on en trouve, ne reproduit absolument pas la note des feuilles de thé infusées[1]. C’est donc une source d’inspiration pour tenter de recréer ces notes magnifiques afin de donner l’impression de sentir une tasse de thé dans la fragrance finale. Il n’y a pas de différence entre le thé et le parfum, d’ailleurs certains thés parfumés portent bien leur nom, et pourraient laisser croire qu’ils ont été mélangés à du parfum. Qu’est-ce qu’un thé parfumé aux agrumes ? Un thé à l’eau de Cologne !, On pourrait vraiment dire que le thé est parfum. »

Création de Mathilde Laurent sur une évocation de thé fumé et de thé noir de Chine Qimen :

La Treizième Heure, Cartier, 2009

Une composition unisexe aux notes fumée et cuir aux accents de thé noir corsé avec de subtiles touches de bergamote et de narcisse apportant de la légèreté, et une pointe de vanille adoucissant l’ensemble. (notes cuir, maté, bouleau, narcisse, bergamote, patchouli, vanille)

[1] Ce que l’on appelle la note « thé » en parfumerie est de l’absolue de maté qui a des notes tabac, herbacée, foin