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Asie

Japon

Photos 1 à 12 : Jean François Mallet (www.malletphoto.com)

Introduit par les moines bouddhistes, le thé est consommé au Japon à partir du IXe siècle. Importé de Chine sous forme de galette, il est consommé à la manière de Lu Yu.

C’est au XIIe siècle que le moine Eisai (1141-1215) importe des graines de théiers et lance la théiculture dans l’archipel nippon, d’abord sur l’île de Kyûshû, puis sur Honshû, plus particulièrement à Uji, près de Kyôto. Il est alors consommé comme en Chine et les ustensiles sont tous importés de Chine, dont le tenmoku.

Progressivement, le thé séduit le milieu shogunal pour devenir central dans la vie des samouraïs dès le XIIIe siècle. Ceux-ci avaient leur Maître de thé attitré, moine bouddhiste zen, qui les préparait au combat en pratiquant la cérémonie du thé pour se « purifier » et se donner de la puissance. Le Maître de thé prend alors une position importante dans les décisions politiques, devenant parfois le confident du samouraï. Jusqu’au XVe siècle, la cérémonie du thé est synonyme de clinquant, des concours sont organisés dans les salles du palais de manière à montrer ses plus beaux accessoires chinois, les ustensiles produits localement étant dénigrés.

« Fais un délicieux bol de thé
Dispose le charbon de bois de façon à chauffer l’eau
Arrange les fleurs comme elles sont dans les champs
En été, évoque la fraîcheur, en hiver, la chaleur
Devance en chaque chose le temps
Prépare-toi à la pluie
Aie pour tes invités tous les égards possibles. »
Vie du thé, esprit du thé de Soshitsu Sen

À la fin du XVe siècle, des Maîtres de thé se distinguent en aspirant à un cérémonial plus épuré, plus proche de son origine monastique zen. La salle d’apparat est délaissée au profit de ce que l’on nomme le pavillon de thé, sôan(« la maison des pauvres, la chaumière ») qui se trouve dans le fond d’un jardin à l’écart du monde. Le thé vert en poudre, le maccha, est préparé en utilisant des ustensiles rustiques. Les seules décorations dans le sôansont un vase de fleurs et un rouleau présentant une calligraphie zen ou un dessin. Cette nouvelle voie du thé atteint son apogée avec Takeno Jô-ô (1502-1555) qui développe le wabiappliqué au thé. Ce concept, qui signifie littéralement « la beauté glacée et flétrie », attribue beauté et valeur à ce qui est imparfait, incomplet, irrégulier. Puis Sen no Rikyû (1522-1591), son disciple, pose les fondements actuels du cha dô(« voie du thé »), ou cha no yu(« eau chaude dans le thé »), qui repose sur quatre principes – harmonie (wa), respect (kei), pureté (sei)et la synthèse des trois, la sérénité (jaku), et sur les sept règles suivantes :

Sen no Rikyû fait appel à des artisans locaux pour fabriquer les objets de thé, en particulier le chawan(« bol à thé »), objet central de la cérémonie, et délaisse les céramiques importées de Chine. Ayant découvert un potier, Chôjirô, créateur de bols s’inscrivant parfaitement dans la philosophie wabi, il l’anoblit – jusqu’alors les artisans potiers n’avaient pas droit à un nom de famille – et ce dernier reçoit le nom de Rakuqui signifie « joie ». Aujourd’hui, le quinzième Raku, Kichizaemon XV, né en 1948, continue à créer des céramiques pour des Maîtres de thé.

Sen no Rikyû développe aussi le concept de sôanen utilisant des matériaux rustiques locaux pour la construction des pavillons de thé, tels que le torchis pour les murs, le bambou pour les fenêtres, le cryptomère pour les poutres et le chaume pour le toit. Ce qui révolutionna l’architecture japonaise, jusque-là inspirée de l’architecture chinoise, et posa les fondements de l’architecture japonaise contemporaine.

 

Le Japon produit principalement du thé vert. On devrait d’ailleurs plutôt parler DES thés verts. En effet, il existe de nombreux cultivars de thés, la plus courante étant Yabukita correspondant à 80% de la production japonaise. A cela il faut rajouter le mode de culture couvert ou en plein soleil, les procédés de transformation, l’art des mélanges, qui donnent de nombreuses familles de thés verts. On peut distinguer 3 grandes régions de culture : la région de Shizuoka et de Kyoto dans la partie sud de Honshu, et la région de Kagoshima sur l’île de Kyushu.

Un facteur très important est l’exposition des plantations de thé par rapport aux intempéries. Les plantations de thé sont concentrées dans le sud de l’archipel sur les versants est.

Généralement les théiers sont plantés sur des collines bordant des rivières ou des lacs permettant d’avoir des températures douces et de bénéficier d’une humidité ambiante constante (brouillards denses de fin de journée, et rosées matinales) favorisant la bonne pousse du théier. C’est ce facteur qui a fait la réputation des thés provenant de la région de Kyoto. Plus enfoncée dans les terres, elle bénéficie d’une protection contre les fortes intempéries venant de l’océan, avec des hivers plus froids, et des étés plus chauds. Les plus beaux Gyokuro*et maccha viennent de Uji et Nara proches de Kyoto.

Dans la préfecture de Shizuoka, les plantations de thé sont directement exposées aux variations climatiques venant de l’océan. Le thé a sans doute été implanté dans cette zone à l’origine car peu d’autres cultures pouvaient s’y développer. Ces plantations donnent des thés généralement moins raffinés que ceux de Uji et Nara. Shizuoka produit 80% du thé vert japonais, surtout du sencha*.

La cérémonie du cha no yu

Le cha no yu(« eau chaude dans le thé »), s’étale sur une journée, ponctuée de pauses dans le jardin, d’un repas léger (kaiseki), du service du thé fort (koicha), puis du thé léger (usucha).

Des accessoires pour préparer le thé à l’agencement de la salle de thé, tout est pensé suivant l’événement que l’on célèbre. À l’entrée de la salle de thé, une alcôve, le tokonoma, comporte un art floral, le chabana(arrangement d’une seule fleur, différent de l’ikebanacomprenant plusieurs fleurs), et une calligraphie qui donnent la « note » de l’ambiance que veut créer le maître de cérémonie. Les invités saluent le tokonomaet le foyer sur lequel repose la bouilloire en signe de respect, puis ils s’installent sur les tatamis. Le maître de cérémonie apporte les accessoires pour préparer le thé et procède à leur purification symbolique avec le fukusa, petit carré de soie. Il sert la pâtisserie qui est dégustée avant de boire le thé pour tapisser le palais de sucré et le préparer à l’amertume et au velouté du thé fouetté. Puis il prépare le maccha (koicha ouusucha), émulsionné dans de l’eau chaude, et le sert. Pour le thé fort, qui est seulement délayé, donnant une émulsion très dense sans mousse, la pâtisserie (omogashi) est fraîche et moelleuse. Pour le thé léger, émulsion aérée et mousseuse, la pâtisserie est sèche et très sucrée (higashi). Le but de cette cérémonie est d’entrer en communion avec soi-même et avec les personnes présentes.

L'art du sencha dô

Cette deuxième forme de consommation du thé, qui est actuellement la plus répandue au Japon car la plus accessible et nécessitant une préparation plus simple, est un héritage Ming. C’est aussi un moine qui introduisit cette nouvelle forme de production et de consommation au début de l’ère d’Edo (1603-1867), période de pacification et d’explosion artistique. Cet art du thé devint très pratiqué dans les milieux lettrés qui s’inspirèrent de la philosophie fûryû (« flotter avec le vent ») signifiant son goût pour la simplicité et la beauté naturelle. Le sencha dô, beaucoup plus hédoniste que le cha dô– se rapprochant du gong fu chachinois – est surtout pratiqué au printemps pour célébrer la renaissance de la nature et l’arrivée des plus beaux crus de thé, dont le gyokuro, l’un des plus réputés au Japon. Le thé est infusé dans de petites théières et servi dans de petits bols. Une pâtisserie dégustée à cette occasion est consommée après la première infusion. La majorité de la production (80 %) est concentrée dans la préfecture de Shizuoka, près de Tokyo.

Et pour appronfondir, vous pouvez écouter l'émission que j'avais produite pour France Culture : L'art du thé au Japon

Myanmar

Au Myanmar, les feuilles de  thé sont récoltées en montagne sur des théiers sauvages. En effet, on suppose que le théier sauvage est originaire de cette partie du monde. Il est né aux confins du Myanmar, du Tibet, de l’Assam indien et du Yunnan chinois. Mais seuls les Chinois l’auraient domestiqué, et il se serait répandu en Chine en descendant le Chang Jiang.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que le mot thé en birman ne dérive pas de la racine chinoise, il est dit laphet (prononcer « lépê », qui signifie feuille), sans aucun point commun avec le cantonais cha, l’indien chai, ou encore le mot amoiy (d’une tribu chinoise) te. Il y a donc eu une période de rupture entre les deux pays, le Myanmar n’ayant pas subi l’impérialisme chinois. En revanche, on pense que la pratique du thé étuvé et compacté vient du Yunnan lors du règne tibéto birman au 11e siècle dans cette Province chinoise. Un proverbe birman dit d’ailleurs « ce que chacun ignore, le thé le sait », révélateur du fait qu’il a toujours fait partie de la vie des Birmans.

Les manufactures de thé peuvent appartenir à des petites entreprises privées, mais pour le marché national deux grandes manufactures de thé noir appartiennent à l’Etat dans les villes de Nam Sam et Tan Daung. En dehors de ces circuits de distribution, on retrouve les mêmes intermédiaires que dans d’autres pays : producteurs,  brokers et traders pour les marchés d’export.

La consommation locale est de 0,41kg par an/habitant dont 36% de thé vert, 19% de thé noir et 45% de pickled tea.

Les espèces Camelia assamica et Camelia sinensis sont toutes les deux cultivées au Myanmar, la première compte pour près de 95% de la production nationale. Les zones de production se situent dans le nord du pays, les régions montagneuses que sont : Shan State, Chin state, Kachin state, Kayin state ainsi que Saging et Mandalay Divisions.  Shan state est la région principale avec près de 68.000ha sur les 78.000ha du pays.

En général les plantations ont une altitude supérieure à 2.400 mètres au-dessus du niveau de la mer, et les conditions pédo-climatiques permettent d’avoir un thé de qualité. La production de thé du myanmar  utilise très peu d’intrants, aujourd’hui cette consommation a probablement augmenté si on observe les gains de productivité à l’hectare.

Les chiffres officiels mettent en évidence une augmentation régulière de la surface cultivée en thé au cours des dernières années. Il occupe plus de 70.000ha et connait depuis une dizaine d’années une augmentation significative de sa productivité. En effet en constatant sa faible productivité à l’hectare, des efforts ont été déployés pour l’augmenter. La production biologique semble être un des secteurs prioritaires à développer en priorité au vu de la croissance rapide de ce marché.

Une variété de théier endémique au Myanmar viendrait d’être découverte. Il s’agit de Camelia irrawediensis, remarquable pour sa faible teneur en caffeine, et sa richesse en theobromine. Elle pourrait être une production intéressante à développer.

Un proverbe dit « ce que chacun ignore, le thé le sait », révélateur du fait qu’il a toujours fait partie de la vie des Birmans.

Le thé est un produit rituel très important qui est utilisé dans les négociations, les cérémonies religieuses. Ceci quelque soit sa forme de consommation. Le pickled tea tient un rôle particulièrement important dans la vie sociale birmane. Il est utilisé comme offrande durant des célébrations religieuses afin de témoigner du respect aux moines buddhistes, il est aussi utilisé pour souhaiter la bienvenue dans des céremonies de mariage, ou d’autres évènements.

Le Myanmar considère 6 saveurs dominantes dans les aliments qui sont l’acide, l’amer, le salé, l’astringent, le doux et le piquant. Le thé est classé dans la saveur astringente.

Il peut être bu en infusion pour se désaltérer ou être consommé à la fin du repas sous forme de « pickles » avec les 5 autres saveurs. Cette consommation représente 45% de la consommation locale. Dans certains endroits, il est même préparé frit dans du saindoux pour faire ressortir son goût comme les épices, ou servi avec du fromage en soupe . On retrouve donc des influences chinoises. Dans l’état de Shan State, un thé vert et des bonbons sucrés sont proposés aux invités au début des cérémonies de mariage.

Lorsqu’il est bu, c’est du thé vert auquel on rajoute souvent des fleurs de sésame, on l’appelle le laphet gyan ou yé nwé gyan.

Le laphet thoke

Lorsqu’il est mangé, toute une préparation est nécessaire. On étuve les feuilles pour empêcher toute action d’oxydation enzymatique, ensuite on compresse les feuilles dans des tronçons de bambou que l’on pose dans l’eau. On les laisse ainsi 6 mois à un an, il y a donc une véritable fermentation des feuilles. Les feuilles sont ensuite retirées des bambous et rincées à grande eau. Puis on les laisse macérer avec du jus de citron ou de pamplemousse, de l’ail, du piment assaisonné d’huile de sésame en accompagnement. On obtient alors une « choucroute » de thé : pickled tea, qui servi avec d’autres ingrédient s’appelle le laphet thoke. Ce plat est en général proposé accompagné de différents éléments et servi avec une tasse de thé vert. Il peut être servi à n’importe quel moment de la journée, en apéritif, en en-cas, pour souhaiter la bienvenue.

Il existe de nombreuses recettes pour accompagner le « pickled tea », qui varient d’un endroit à l’autre au Myanmar. Traditionnellement, cepickled tea, et consommé avec un combo de haricots frits, crevettes séchées, ail frit, cacahuètes grillées, et graines de sésame qui rappellent les 5 autres saveurs. Souvent servi dans un plateau compartimenté laqué ornementé comprenant un espace pour chaque ingrédient, dont un compartiment central pour le pikled tea. Cette choucroute peut aussi être assortie de crudités : chou, tomates, poivrons et de haricots frits et servi avec des galettes de riz.

Une recette de Lephet Thoke

4 tbs (60ml) lephet (feuilles de thé fermentées)
3 gousses d’ail, émincées, et frites afin qu’elles soient croustillantes
1 piment vert, finement coupé
2 tbs (30ml) de crevettes séchées, rehydratées puis mixées.
2 tbs (30ml), cacahuètes torréfiées
1 tbs (15ml), graines de sesame toastées
2 tsp (10ml) jus de citron vert.
2 tsp (10ml)sauce de poisson
1 tbs (5ml), d’huile la plus neutre possible.

Présenter l'ensemble à la manière d'un combo.

Afrique

Kenya

photo 1 : Yann Arthus-Bertrand

photo 2 : Sweta Chakraborty

Tout premier producteur de thé de l'Afrique, le Kenya est devenu au fil du temps l'une des figures majeures de la culture du thé noir dans le monde. Troisième producteur mondial de thé derrière l'Inde et la Chine, avec plus de 300000 tonnes produits par an, il en est également, depuis 1996, le premier exportateur (le montant des exportations 2010 est estimé à 357,6 millions de dollars).
Le thé est introduit au Kenya (province de Limuru) dès 1903 avec la mise en culture par le britannique G.W.L. Caine de plants importés d'Inde, et son exploitation commerciale établie dès les années 1920-1930. Si les années 1950, et les créations en 1957 de l'East African Tea Trade Association (EATTA) et de la bourse de Mombasa marquent un tournant dans l'histoire du thé kenyan et africain en général, ce n'est qu'à partir de 1963 et l'indépendance du pays que sa production connaîtra un véritable essor. S'il s'agissait avant tout de satisfaire une forte consommation locale, due naturellement à l'influence britannique, la création en 1964 de la Kenyan Tea Development Authority (KTDA) assoit une volonté d'exploitation et de prise en charge unique.
Chargée de « promote and foster the growing of tea in small farms, which were previously said to be univiable in view of the expertise and costs required, as witnessed in the plantation sector », cette structure induit une production de thé familiale et coopérative. Favorisant une certaine diversification de la production et maintenant en place une population rurale stable et prospère (environ 450 000 familles concernées), elle est aujourd'hui à la tête de 63 manufactures et assure 60% des récoltes annuelles. A la tête de 38 manufactures, les grands groupes Eastern Produce, James Finley, Unilever, qui fournit notamment les marques Lipton et PG Tips, ou encore Williamson Tea assurent le reste de la production.

Deuxième plus grand pays de l'Afrique de l'Est après la Tanzanie, le Kenya est traversé du nord au sud par la vallée du grand rift. Culture de moyenne montagne tropicale (1500 à 2500m d'altitude), la théiculture kenyane bénéficie ainsi de de conditions géographiques (latitude et altitude) et écologiques exceptionnelles, favorisant la mise en valeur et la production d'un thé de première qualité : les sols, acides et volcaniques, sont particulièrement fertiles, quand les conditions climatiques tempérées (pluviosité abondante et régulièrement répartie) assurent parfaitement aux exigences climatiques du théier, dont une cinquantaine de variétés locales, ou cultivar peuvent être recensés. Aucune période de repos végétal n'étant possible dans ces conditions, la cueillette s'effectue tout au long de l'année avec entre 7 et 14 jours d'intervalle. Aussi, et fort à ce jour de plus de 150 000 hectares d'exploitation (pour environ 275 000 exploitants), le pays peut-il se vanter des hausses de production les plus importantes de ses dernières années (jusqu'à 69% entre les premiers trimestres 2009 et 2010).
Cœur de la production théière du Kenya, la province de Kericho, perchée à 2200 m d'altitude près du lac Victoria et s'étendant sur environ 13000 hectares, apparaît aujourd'hui comme l'un des pôles de production les plus importants au monde. Exploitée principalement par le géant britannico-néerlandais Unilever, elle devient en juin 2007 le premier centre de thé certifié Rainforest Alliance. L'utilisation minimale de pesticides, le recours à des énergies renouvelables, la protection des forêts naturelles (100 000 arbres indigènes replantés) et la gestion minutieuse de l'eau participe de ce programme de développement durable et éthique, créé en 1992 sous l'égide de la Sustainable Agriculture Network (SAN).

La majorité des thés kenyans sont des CTC (Crush, Tear, Curl), réparti en classe primaire (Brisé Pekoe 1, Pekoe Fanning 1, Pekoe Dust, Dust 1), représentant entre 70 et 74% de la production, et secondaire (Fanning 1, Dust, Broken Mixed Fanning). La part des thés verts est faible, avec environ 10%, tandis que celle des thés noirs « orthodoxes » (Pekoe, Flowery Pekoe, Flowery Orange Pekoe, Orange Pekoe, Broken Orange Pekoe, Broken Orange Fannings, Dust), à feuille entière, est infime. Produite sur commande celle-ci ne dépasse pas les 1%. Les plus importants acheteurs du thé kenyan sont par ordre d'importance : le Pakistan, l'Egypte, le Royaume Uni, l'Afghanistan et le Soudan.

Héritage de la colonisation britannique, le thé est une boisson fort apprécié des Kenyans. Toujours accompagné de lait, sa consommation est estimé à 600 grammes par an et par habitant.

Rwanda

photos 1 à 5 : Tim Smith et Panos Pictures

Bien qu'introduite au lendemain de 1945, la culture du théier au Rwanda naît véritablement en 1954 de la fusion de deux sociétés privées :  Société (française) Agricole de Bigutu au sud-ouest, et Propriété Kirwa de Monsieur Ortmans au nord, et la volonté du gouvernement rwandais de diversifier ses sources de revenus (caféier). Portée par les aides du FED et pensée dans un premier temps comme le prolongement des zones dynamiques belges de plantations du Congo et théicole anglaise de l'ouest ougandais (CHAPUIS, O., SIRVEN, P., 2003), la théiculture rwandaise connaît un premier essor dès 1959 et l'achèvement d'une usine à thé dans la vallée de Mulindi. La création en 1978 de l'OCIR-Thé, organisme para-étatique sous tutelle du Ministère de l'agriculture, achève de lui donner ses lettres de noblesse. Désormais coordonnée à l'échelle nationale, la culture du thé s'inscrit dans une politique économique à long terme, visant la stabilité économique et monétaire dans les milieux ruraux, ainsi que la réduction de la pauvreté (OCIR-Thé). Le secteur théicole est ainsi l'un des plus grands employeurs du pays (environ 60 000 personnes en 2009), quand la grande qualité du thé rwandais rend sa production très rentable pour les agriculteurs. Si le génocide de 1994 entrave sensiblement sa croissance (6 usines à thé sur 10 touchées, voire complètement détruites), le secteur théicole parvient toutefois à devenir dès 2000 la première source des revenus d'exportations du Rwanda (jusqu'à 34% du total des recettes nationales des exportations. Source : OCIR Thé).

Souvent moins connu que son homologue kenyan, le thé rwandais apparaît comme l'un des thés africains les plus qualitatifs. La production des « grade primaires » (première qualité) représente environ 90% du total de la production. En effet, la majorité des manufactures emploient le processus « orthodoxe », c’est-à-dire le travail sur de la feuille entière. Ce processus qualitatif est différent du processus CTC très répandu dans la région des grands lacs. La méthode CTC, qui signifie Crushing,Tearing, Curling, littéralement Ecraser, Déchirer, Rouler, produit des thés en feuilles brisées agglomérées en petites boules. Ces thés ne sont pas de grande qualité organoleptique, ils sont bon marché et servent principalement à la fabrication des thés en sachet papier, ice teaindustriels et autres dérivés de thé.

Organisée en « blocs industriels », « thés villageois » ou en coopératives, la théiculture rwandaise est une culture de moyenne montagne tropicale. Aussi le théier est-il au Rwanda, culture de marais de montagne et des collines entre 1600 et 2500 m d'altitude. Des conditions écologiques exceptionnelles favorisent  la culture d'un thé rwandais de première qualité : les sols, acides et volcaniques, sont particulièrement fertiles, quand les conditions climatiques tempérées (pluviosité abondante et régulièrement répartie, avec 1500 mm d'eau par an, saison sèche n'excédant pas trois mois), en particulier dans les régions des montagnes occidentales et méridionales (Crête du Congo-Nil), assurent parfaitement aux exigences climatiques du théier. Par ailleurs, une quantité limitée d'engrais est ajoutée régulièrement pour compléter le niveau des nutriments dans le sol. Toutefois, le secteur du thé reste largement sous-exploité au Rwanda (ainsi par exemple, seulement 4 unités de production de thé situées le long de la Crête Congo-Nil). Selon l'OCIR-Thé, il serait ainsi possible d'atteindre des rendements de 3 tonnes de thé noir par ha dans les marais et 2,5 tonnes sur les collines. Pour la plupart des usines, cela signifie 2 fois la production réelle, ce qui implique, certes, que leur capacité devra être aussi bien renforcée.

Concernant les manufactures où les feuilles sont travaillées, nombreuses sont celles gérées par des manageurs venant du Sri Lanka ayant apporté leur expertise. Même si la majorité de la production reste du thé noir, certaines manufactures ont diversifié leur production pour produire avec soin de belles qualités de thés verts et même blancs. La manufacture de Sorwathé notamment, située dans le nord du pays à Kinihira, pionnière dans cette diversification, relancée avec des capitaux américains en 2009, fait un gros travail qualitatif et propose ces 3 couleurs de thé. Elle est certifiée FLO-CERT, ISO 9001 et une grande partie des parcelles est en agriculture biologique.

Si seuls 2 à 3 % de la production nationale rwandaise de thé sont destinés à la population locale, le thé noir apparaît néanmoins aujourd'hui comme un breuvage apprécié des Rwandais. Consommé avec beaucoup de sucre et de lait, et accompagné de pain, le thé noir rwandais (souvent de qualité inférieure : dusts) constitue une composante essentiel du petit-déjeuner rwandais, notamment dans les zones urbaines, telles que Kigali, la capitale nationale.

Proche et Moyen-Orient

Turquie

Photos 1 & 2 : Jean François Mallet (www.malletphoto.com)

Photo 3 :  User:Wikimol

De nombreuses denrées telles que les épices ou la soie étaient transportées à dos de chameau ou de cheval depuis l’Antiquité. Les caravanes partaient de la Chine Centrale pour arriver jusqu’à la Méditerranée. Les populations d’Asie Centrale, du Moyen et du Proche Orient connurent le thé, sans doutes, à partir du XVIIIè siècle, grâce à ces caravanes qui circulaient jusqu’en Lybie.

Au moment de la domination ottomane en Arabie les Turcs buvaient beaucoup de café, importé du Yemen alors région-membre de l’Empire. Avec la chute de l’Empire, alors qu’ils perdirent leur principal fournisseur, Kemal Atatürk(premier président de la Turquie moderne à partir de 1923) décide de remplacer ce breuvage par le thé qui pouvait être cultivé en Anatolie, ceci afin d'assurer à la Turquie son autosuffisance. Les côtes de la Mer Noirepropices à sa culture furent désignées comme les régions productrices.

La première manufacture de thé a été construite à Rize en 1947 et à partir de 1965, la Turquie est autosuffisante en thé. Les achats, manufactures and ventes de thé font l’objet d’un monopole de l’Etat assuré le Tekel General Directorate jusqu’en 1971, puis sont transférés à la Tea Corporation. Le Monopole d’Etat est levé en 1984 et des initiatives envers le secteur privé ont été favorisées.

Aujourd'hui, les Turcs consomment environ 2,1 kilogramme de thé par an et par habitant. Il est connu pour être peu tannique et peu parfumé.

Depuis ce temps la consommation du thé est devenue traditionnelle et les Turcs le consomment tout au long de la journée.

Les côtes est de la Mer Noire, en Anatolie, propices à la culture sont plantées de théiers, à l’époque de Attaturk. La plupart des plantations de thé sont situées autour de la ville de Rize, la zone production s’étend aujourd’hui de la frontière géorgienne jusqu’aux villes de Trabzon, Arakli, Rize, Karadere and Fatsa..

La production de thé est concentre sur les mois de mai à Octobre. La plupart du thé est produite sans pesticides ni produits de synthèse.

En 2008, la Turquie a produit 198.046 tonnes de thé.

Dans cette partie du monde le thé, çay en turc, se boit tout au long de la journée, préparé très concentré et parfois même cuit. Il s’agit souvent d’un mélange de différentes origines, noirs et verts, donnant une boisson corsée, à la liqueur cuivrée. En Turquie, comme en Iran ou en Russie, on utilise le caydanhk, samovar – du russe samo (soi-même) et var (bouillir)- qui est une réserve d’eau chaude permanente. A son sommet est placée une petite théière remplie de thé très concentré, appelé dem, préparé surdosé et surinfusé. On peut ainsi se servir tout au long de la journée en versant du concentré de thé au fond de la tasse et ne rallongeant, selon son goût, avec de l’eau chaude tirée du samovar.

Traditionnellement ce thé est servi dans de petits verres en verre transpatent en forme de tulipe, en diluant le dem avec l’eau chaude de la partie inférieure du caydankh. Suivant la concentration du thé ainsi obtenu, on l’appellera cay koyu  (foncé), ou cay açik (clair).

Aujourd’hui le thé est consommé quotidiennement par les turcs, c’est la principale source de caféine des tucs, devant le café à la turque. Le « cayçi » (l’homme à thé) occupe même un poste dans certaines entreprises et institutions, il peut aussi se déplacer dans la ville avec de petits verres à thé sur un plateau

Les çay bahçasi

Les çay bahçasi, jardins de thé, sont de véritables institutions en Turquie. Ces lieux où les turcs aiment se retrouver pour discuter, certains sont mixtes, d’autres non, sont très nombreux, souvent à proximité de points de vue remarquable (vue sur le Bosphore), ou encore proche des lieux de la vie quotidienne (école, mosquées, places). En plus du thé, on peut y goûter des ayran (boisson salée à base de yaourt), le sahlep, ou encore du apple tea (thé aromatisé à la pomme artifiellement, apparu il y a quelques années).

Les çay bahçasi sont des lieux incontournables pour qui voudrait s’imprégner d’un mode de vie à la turque.